Est-ce que c'est grave ?

Chapitre 2

La nuit est tombée depuis une heure déjà, et les parents de Su-ji partagent un verre de vin. Jung-Hwa regarde sa femme avec le même regard amoureux qu'il y a 27 ans. Les années ont laissé quelques traces sur son visage, mais elles n'ont pas su altérer l'amour qu'il porte pour elle. Ils célèbrent ensemble l'appel qu'ils viennent de recevoir. Le frère de Ji-Woo les a appelé un peu plus tôt, pour leur annoncer que son ami était prêt à faire se rencontrer son fils et Su-ji. Cet ami en question était le patron de la quatrième plus grosse entreprise d'électronique du pays. Ce n'était pas rien. Ji-woo savait que son nom apparaissait de temps à autres dans les journaux, ou sur divers articles sur Internet, elle ne manquait pas de le rappeler à Jung-Hwa, son mari, qui avait un peu plus de mal à l'idée d'offrir sa fille. Mais ils avaient désormais le feu vert, et Jung-Hwa avait eu le temps de se faire à cette image de sa fille, une bague au doigt. Sa si jeune fille qu'il chérissait tant, et dont il était si fier... Sous-estimer la force de conviction de Ji-Woo était une large erreur universelle. En deux courts mois elle avait convaincu son frère de soumettre cette proposition à son ami richissime. Elle en avait même parlé à Ji-won, qui s'était avouée ravie que Su-ji puisse peut-être avoir un mari aux finances stables et abondantes. Jung-Hwa trinque avec sa femme, elle lui sourit, émue et fière. Chacun dégustent une gorgée de vin. Ils ont ouvert une belle bouteille en cette belle occasion. Demain, ils annonceraient à leur fille unique la chance dont elle allait bénéficier, la chance qu'ils lui offraient.
- Il faudra quand même que tu rappeles ton frère pour qu'il nous donne le numéro des parents de ce garçon. La moindre des choses serait de se rencontrer tous ensemble. Ne laissons pas Su-ji seule pour sa première rencontre avec lui.
- Tu es si attentionné Jung-Hwa, répondit sa femme, toujours touchée par l'amour que son mari porte à leur fille.
- Je suis simplement prudent. De cette manière elle ne pourra pas refuser.
- Allons, tu sais bien qu'elle ne refuserait pas. Elle laisse la vie lui donner ses chances, elle acceptera sans problème.
- J'espère que tu as raison, avoua l'homme aux cheveux bientôt gris.
Après avoir jeté un coup d'oeil à sa montre, il affirma à Ji-woo qu'il allait se coucher.

Ji-woo resta quelques instants de plus dans le vaste salon de leur villa coréenne, terminant son verre de vin. Elle était confiante. Elle avait suffisamment parlé avec Ji-won, qui semblait être complètement sur la même longueur d'onde qu'elle. Il s'agissait sûrement là d'un lien dû à leurs respectifs prénoms si similaires. Ji-woo portait à Ji-won l'amour d'une mère, et elle comptait bien sur cette deuxième fille pour convaincre Su-ji de se marier vite et de devenir la femme idéale. Une heure du matin déjà, et aucun baillement n'est encore venu perturber Ji-woo. Elle espère que sa fille plaira à ce garçon. Elle prend le temps de prier quelques instants, avant de rejoindre Jung-Hwa. En se levant, elle dépose son regard sur le cadre posé subtilement sur le meuble de la télévision. Une photo de famille, en vacances en Finlande. La famille Chong aime particulièrement l'Europe, ce voyage ci était particulièrement agréable. Su-ji n'avait que 12 ans. Ji-woo dévoile un sourire en regardant cette photographie, comme si les trois visages souriant qui s'y trouvaient la regardaient elle aussi. Elle se couche finalement, paisible, prête à annoncer à sa fille l'arrangement qu'ils ont obtenu avec la famille Paek.

Est-ce que c'est grave d'arranger la vie, au lieu de la laisser faire ?