Les plombs viennent de sauter. Plus aucune source de lumière dans ma chambre. La nuit enveloppe la maison dans une prison opaque. Que fait la Lune lorsqu’on a besoin d’elle ? Un essaim d’abeilles s’immisce dans la pièce, à moins que ça soit mes oreilles qui bourdonnent. Mes mains tremblent et un séisme de forte magnitude ébranle tous mes muscles. Dans l’obscurité, j’ai l’impression que c’est le monde entier qui disparaît. J’ai trop chaud, je suis en sueur. Pourtant, sans courant, impossible que le chauffage ait redémarré. Il faut que je me calme, que j’essaie d’inspirer et d’expirer en « carré ». Au moindre bruit, je sursaute. De tous mes sens, ma vue est ma favorite. Mon trésor. Quand on me l’enlève, on me retire ma sécurité. Comme en cet instant. Je me recroqueville à même le sol, mais aucun espace ne pourra me protéger du danger qui rôde dans le noir. Ma fréquence cardiaque s’est affolée depuis longtemps, dorénavant tout mon corps semble s’abandonner à la peur. Aussi désordonnées que ma chambre, mes pensées me poussent vers le bas. Personne ne peut m’aider. Je suis seule, abandonnée. Tout autour de moi a cessé d’exister. Si ce n’est pas un monstre, ce sera un homme. La différence demeure subtile s’il est mal intentionné. Tout peut m’arriver, excepté le meilleur. Je m’imagine le pire. Mes nausées s’aggravent, je vais bientôt vomir.
Ma chambre doit faire dans les onze mètres carrés. Pourtant, sans lumière, je me sens cloîtrée dans une boîte sur-mesure. Moulée à ma taille, de sorte qu’aucune fuite ne soit envisageable. Je sais que je souffre d’une angoisse immature. On me l’a assez répété. « La peur du noir, c’est pour les bébés ! ». Bien-sûr. Pourtant, des êtres, différents de nous, esquivent l’obscurité dans la nature. Les héliotropes fuient l’ombre et poursuivent le soleil avec obsession. Les mésanges se réfugient dans leurs nids la nuit tombée. Elles perdent leur vision et gagnent la pire des situations : la vulnérabilité. Les prédateurs existent dans le genre animal et humain. Notre langage si bien fait, a fait de ce mot un nom masculin. Je me sens comme un corail qui s’approche de la mort s’il manque trop longtemps de lumière. Mes respects à celles qui, l’âme aventurière, se lèvent pour réarmer le disjoncteur. Je reste fragile, paralysée par la peur. Une proie aux chimères nocturnes. Si cette angoisse, chez les enfants, est commune, elle est tue chez les adultes. On se mue en chevaliers de la nuit pour protéger les plus petits. De mon côté, je ne défends personne, pas même moi. A chaque nuit noire, j’effleure mon propre trépas. Et, si la réincarnation existe, entendez-moi : je veux être une créature nyctalope. Un hibou, un chat, un renard : qu’importe. Tant que les ténèbres cessent de frapper à ma porte.
La lumière est revenue. La maison redémarre. Je perçois, à la place des abeilles, le son des appareils qui se rallument. Avec eux, c’est mon angoisse qui se consume. Les héliotropes, les mésanges et le corail s’éclipsent dans ma tête. Il ne reste que moi, bien humaine : pourtant, je me sens bête.
J’ai vingt-trois ans et j’ai peur du noir.
Writober 2025
- 1 - Summer — (La JENA de Nico et Emilia)
- 2 - Roommates — (Pas facile d'être colocs)
- 3 - Misunderstandings — (La biche, le loup et l'agneau)
- 4 - One night stand — (Liste d'envies)
- 6 - Parenthood — (Le pavé de Rosa)
- 7 - Exes to lovers
- 8 - Time Travel AU — (Nouvelle chance)
- 9 - Love at first sight — (Il était grand)
- 10 - Heavy angst — (Achluophobie)
- 12 - Fake dating — (Juste un service)
- 13 - Demon x angel — (Discours de soûl)
- 14 - Fast paced — (Le silence)
- 15 - Movie Inspired — (Des bips après la boulette)
- 16 - Friends with benefits — (Un service d'ami)
- 17 - Office — (Suzie est normande)
- 18 - Mythology — (Drôle de réécriture)
- 19 - Omegaverse — (L'instinct fraternel)
- 20 - Stuck in an elevator — (Confessions)
- 24 - Memory loss — (Submersible)
Du même auteur...
Commentaires (4)
En tout cas, la seule chose qui m'a permis de ne pas angoisser en lisant ton texte, c'est qu'il se déroule dans une chambre. Sinon j'ose pas imaginer ton malaise, vu l'effet que ça me faisait déjà dans une situation "relax". C'est très bien écrit, c'est super immersif. Ça me donne un peu envie de passer le cap de ce texte pour en faire une version plus spécifique à ma peur, qui pourrait faire écho à la tienne (eh, c'est pas beau de créer des gangs phobiques ?)
Les étoiles phosphorescentes, même sans peur du noir, c'est trop la vie.
Ah oui mais je te rejoins totalement ! L'obscurité ajoutée à un lieu inconnu (ou espace "ouvert") L'ENFER !
Merci pour ton retour, et ce serait vraiment génial que tu écrives ce texte dans ta version de cette peur ! J'adore notre gang ♥ (bienvenue, ici on a peur ensemble mais on peut aussi s'envoyer des gifs drôles si vous voulez)
J'ai 30 ans et j'ai toujours peur du noir, même chez moi, alors que je connais toutes les pièces par coeur. J'ai même le - stupide - réflexe de fermer les yeux pour ne pas voir le noir ;w; même pour rentrer dans ma chambre sans allumer la lumière pour pas réveillée mon copain, je suis obligée d'avoir mon téléphone pour m'éclairer sinon j'ai le cœur qui s'accélère. Et comme tu dis c'est une peur qui est tellement tue chez les adultes, une honte, un secret que l'on ne doit pas dévoiler. Et pourtant, je pense qu'on est nombreux dans ce cas là, et ça paraît logique, pour moi c'est juste le signe que notre instinct de survie fonctionne encore et qu'on est en alerte quand notre sens principal s'éteint en même temps que les ampoules
Poster un commentaire
Vous devez être inscrit et connecté pour poster un commentaire.
Autant vous dire que le thème du J10 du writober "Heavy angst" et ce concours sur la peur tombaient à pic pour vous parler de cette phobie !
(Je suis le genre de fille qui même à 16 ans avait encore des étoiles phosphorescentes dans sa chambre)
10/31